SILENCE, PEUR DU VIDE & COVID
La peur du silence, c’est un peu comme la peur du vide, elle nous fait perdre pied, parfois nous tétanise. Une idée reçue persistante met sur le même plan silence et ignorance : si je ne réponds rien, c’est bien sûr que je ne sais pas. Et par extension on a vite fait de conclure : vous ne savez donc RIEN du tout !
Dans une société où l’immédiateté règne et où le temps d’attention est plus proche de la seconde que de la minute, se taire n’est quasiment plus admis. L’avènement du tout digital a ouvert la porte à l’infini. Presque chaque être humain a accès à toute l’information, sur tous les sujets, tout de suite. Alors se taire, c’est vraiment un aveu de faiblesse, … puisque l’on sait tout.
Rien de pire dans ce contexte d’hyper-connectivité que d’être pris en défaut. Prenons l’exemple d’un collaborateur à qui l’on pose une question technique ou seulement précise lors d’un meeting. Qu’il soit très expérimenté ou pas du tout, il est à parier que s’il n’a pas la réponse sur le bout des lèvres très rapidement, il risque de perdre ses moyens, de stresser voire de paniquer tout à fait. Ses interlocuteurs auront vite fait de le juger durement pour ce manquement inadmissible.
On est donc tenté de répondre quelque chose, quitte à dire n’importe quoi, juste pour ne pas être pris en défaut et pour montrer une certaine assurance. On ne pense pas aux conséquences ultérieures, advienne que pourra, comblons le silence, il n’y a que cela qui compte !
Le basculement vers le télétravail dû à la Covid rend cette situation tout aussi valide, peut-être plus pressante encore. Maintenir un fonds sonore, une sorte de brouhaha, aide à donner le change. C’est une façon de refuser de voir que beaucoup de choses ont été bouleversées en très peu de temps. Cette pandémie ayant provisoirement retiré le lien social, comment ne pas être tenté de remplacer ce vide relationnel par du bruit, faire illusion comme si rien n’avait bougé.
La nature a horreur du vide, nous avons ce réflexe de toujours vouloir le combler.
Alors sur Teams ou Zoom, comme au bureau, les réunions se suivent et se ressemblent et on finit par passer ses journées à répondre aux questions, les unes à la suite des autres. Le but étant de ne jamais être pris à ne pas savoir. Le silence est interdit!
Pourtant, le silence permet de reprendre son souffle, de faire le point. Il aide à se calmer, à se reconcentrer. Le silence oblige notre cerveau à faire une pause, à digérer le flux d’informations auquel il est soumis continuellement. Le silence est un bon moyen de libérer le temps nécessaire à la réflexion. Sans cette étape cruciale – réfléchir – comment être sûr de se donner toutes les chances de bien répondre ?
Quelques principes simples peuvent vous donner l’avantage. Tout est affaire ici de tact et vos bonnes manières vous aideront à vous imposer sans passer en force.
Comment bien utiliser le silence pour en faire un allié ?
– provoquez vous-même le silence pour faire cesser le chahut de certaines réunions. À faire surtout si c’est vous qui présentez. L’audience sera tellement surprise de ne plus rien entendre, qu’elle s’arrêtera aussi de bavarder et vous pourrez reprendre la main.
Faites le test au plus vite, et même si vous êtes junior et présentez devant des managers plus seniors. Cette initiative, si elle est conduite avec fermeté, mais bienveillance, fera ressortir vos qualités de leader et votre aptitude à conduire efficacement un meeting.
Cela vaut bien sûr en face-à-face comme sur Teams.
– prenez aussi le temps pour répondre à une question. Comme le dit très clairement ce proverbe turc, se hâter n’est pas recommander : « La patience mène à bien, la précipitation à rien ».
Dès lors, hâtez-vous de ne rien dire. Ce petit laps de temps peut permettre de gérer son stress ou de faire le tri des réponses possibles. Cela donne le temps de mieux analyser la question posée en offrant l’occasion de mieux la comprendre.
Cette attitude est particulièrement pertinente lors d’un entretien d’embauche par exemple, lorsque le jeu des questions-réponses s’emballe et que l’on risque de perdre le fil de ce que l’on souhaite vraiment dire à un recruteur sur son parcours, ses motivations… Faire une pause casse le rythme, permet de reprendre ses esprits et le contrôle en empêchant l’interviewer de vous déstabiliser par le flux continu de ses interrogations.
– enfin, la pratique du silence, par le biais de la méditation par exemple, est un excellent exercice. En pratiquant quotidiennement, il vous sera plus naturel d’y avoir recours dans les moments d’activité intense ou de stress.
Il est plus facile de penser à faire silence lorsque l’on a l’habitude de s’entraîner et que l’on en a ressenti les bienfaits.
Pour conclure, acceptons parfois de ne pas suivre ce réflexe naturel de combler le silence par tout ce qui nous passe par la tête. Nous avons beaucoup mieux à faire et surtout à dire. Même si cela semble quelque peu contre-intuitif dans un monde confiné mais qui reste hyper actif et hyper rapide, dire peu avec du sens vaudra toujours mieux que beaucoup sans contenu.