EMILY POST : UNE VIE DÉDIÉE À l'ÉTIQUETTE
Depuis le début du XXe siècle, Emily Post fait autorité en matière d’étiquette et de bonnes manières en société. Aussi surprenant que cela puisse paraître, son enseignement perdure. Il a été adapté au fil du temps grâce à sa descendance qui continue à faire connaître et à enseigner les règles de bienséance qu’elle défendait.
Petit tour d’horizon sur son parcours et les principes clés qu’elle nous a laissés.
Une femme du monde
Emily Price (1873-1960) de son nom de jeune fille, naît dans une famille aisée de Baltimore, d’un père architecte et d’une mère héritière dans l’industrie du charbon. Fille unique, elle grandit dans l’opulence, au milieu des domestiques, entourée de gouvernantes et de chaperons dont le rôle est d’assurer son éducation et de la préparer à faire son « entrée dans le monde ».
Elle ne quittera la maison que pour suivre les cours d’une de ces fameuses « finishing schools » bien connues des anglo-saxons, où l’on apprend les bonnes manières en société (savoir converser, danser, recevoir, avoir du maintien, connaître les subtilités du dress code, …).
Mariée au banquier Edwin Post en 1892, elle divorce en 1905 et doit subvenir aux besoins de ses deux enfants à partir de cette date (son ex-mari étant ruiné de toute façon). C’est ainsi que sa carrière d’écrivaine décolle, publiant des nouvelles, puis des romans.
Encouragée par la maison d’édition Funk & Wagnalls elle écrit en 1922 ce best-seller mondialement connu : Etiquette.
Le succès est tel à la sortie du livre, qu’Emily est submergée de questions des lecteurs qui veulent en savoir plus sur les bons usages en société. Elle recevra jusqu’à 26 000 lettres par an à son bureau de New-York ! Les réponses, qui paraissaient dans une centaine de journaux différents, serviront à alimenter les versions ultérieures de ce livre devenu une véritable référence en matière de bonne tenue.
Pour la petite histoire, notons que ce livre sera le deuxième plus volé dans les bibliothèques… après la Bible. C’est dire !
Dans les années 1930, Emily aura même pendant 8 ans sa propre émission de radio sponsorisée par General Electric. Franklin D. Roosevelt confiera qu’à l’époque où il se lançait à la radio dans ses fameuses « causeries au coin du feu » (1933), le plus grand compliment qu’il pouvait recevoir était : « vous êtes aussi bon qu’Emily Post » !
Que nous dit le succès de Etiquette sur la société américaine du début du XXe siècle ?
Ce livre fait date dans l’histoire américaine car il décrit parfaitement ce qu’est la société américaine de l’époque en regard des sociétés européennes par exemple.
La plupart des livres d’étiquette disponibles aux États-Unis dans les années 1900 étaient jusqu’alors des adaptations de sources anglaises ou françaises.
Ainsi, L’école de bonnes manières d’Eleazar Moody, très lue à l’époque, reprenait les préceptes d’un livre de courtoisie français du XVIe siècle. Cette littérature avait donc besoin d’un petit coup de jeune !
Lorsqu’Emily Post écrit son Etiquette, les États-Unis sont en pleine mutation, sociale, démographique et économique. L’urbanisation de masse se développe à toute allure, éparpillant les membres de communautés très unies dans des villes où tous deviennent des inconnus les uns pour les autres.
En proposant un code unique, le livre d’Emily Post offre aux Américains un moyen d’apprendre à naviguer dans ce nouveau monde des affaires où tout un peuple se réinvente, où de nombreux nouveaux industriels font fortune et amorce leur entrée dans la haute société.
Bien qu’issue d’une classe sociale très privilégiée, elle enseigne des principes étonnamment égalitaires pour ses origines. Pour elle, faire partie de la « meilleure société » nécessite une éducation, une culture et une formation. Naître riche ne fait pas tout. Le statut social n’induit pas que l’on ait de bonnes manières. Celles-ci doivent être apprises quel que soit son rang dans la société et ses origines.
Ironie du sort, Emily Post, à qui l’on avait appris, lorsqu’elle était petite, que les femmes bien élevées ne pouvaient pas travailler, devient non seulement une célébrité mais aussi une femme d’affaires exceptionnelle ! Elle est donc elle-même un exemple de l’évolution spectaculaire de la société américaine dans la première partie du XXe siècle.
L’étiquette selon Emily post
Pour elle, l’étiquette est intemporelle et éternelle, mais les manières qui y sont associées, c’est-à-dire la liste des règles à suivre, sont en constante évolution. Il faut s’adapter à son époque.
Une fois cela établi, les qualités suivantes : la considération, le respect, l’honnêteté, la courtoisie et la gentillesse sont les principes à appliquer pour parvenir à avoir de bonnes manières.
Car pour Emily, les bonnes manières ne sont rien d’autre que la prise en compte des sentiments d’autrui pour éviter d’offenser qui que ce soit. Le respect des règles de forme tel un discours approprié, une certaine grâce dans l’allure d’une personne, ne sont que la mise en pratique de ces principes.
Pour nous persuader du bien fondé de sa pensée, lisons Emily post dans le texte :
"Les bonnes manières c’est avoir conscience des sentiments des autres. Si vous avez cette conscience, vous avez de bonnes manières, quelle que soit la fourchette que vous utilisez."
Emily Post
Reprenons dans le détail chacun des piliers de l’Étiquette :
La considération
Montrer de la considération pour quelqu’un, c’est montrer son intérêt pour l’autre. C’est ce qui permet le vivre-ensemble. C’est donc une base fondamentale. : “La considération pour les droits et les sentiments d’autrui n’est pas simplement une règle de comportement en public, mais le fondement même sur lequel la vie sociale est construite.”
– Emily Post, Étiquette 1ère édition.
Le respect
Ce sont nos actions, nos paroles qui prouvent ou non le respect porté à autrui. Être inclusif est par exemple une manière d’être respectueux, en mettant nos a priori et nos préjugés de côté pour le bienfait de la vie en communauté.
Mais le respect de l’autre commence bien sûr par le respect de soi. Une personne qui se respecte gagne en confiance et est plus à même de faire preuve d’empathie et d’attention envers les autres. Notre apparence joue donc aussi un rôle important.
L’honnêteté
Dire la vérité, être sincère prouvent que l’on applique les principes précédents de considération et de respect. Ces trois piliers sont complémentaires et renvoient sans cesse l’un vers l’autre.
Deux autres qualités essentielles : la courtoisie et la gentillesse
Faire en sorte que les autres se sachent bienvenus et accueillis permet à tous de se sentir à l’aise et contribue à une vie sociale apaisée. Cela jette les bases d’un espace de jeu commun où les relations sociales et/ou professionnelles peuvent s’épanouir le plus harmonieusement possible et par extension le plus efficacement.
Un héritage qui perdure : the Emily Post Institute
Dès 1946 Emily fonde l’Institut Emily Post chargé de travailler sur les mises à jour de chaque édition du livre Etiquette.
Sa mort en 1960 ne marque pas la fin d’une ère, bien au contraire. Le flambeau est vite repris, tout d’abord par son fils Edwin puis par toute sa descendance (de petite-fille en arrière-petite-fille) jusqu’à aujourd’hui où la cinquième génération continue à faire vivre l’institut.
Situé à Waterbury, dans le Vermont, l’Emily Post Institute gère une collection de 25 livres, organise des séminaires et des formations et s’associe à des entreprises et des organisations à but non lucratif pour faire connaître l’étiquette et les bonnes manières à un large public.
La dernière version en date du livre phare Etiquette porte à 19 le nombre total d’éditions (2017). Chaque mise à jour est un témoin de l’évolution des normes dans la société américaine et révèle les valeurs qui lui importe.
Ainsi, les détails sur l’art d’être chaperon de la première édition ou l’étiquette du cendrier de la douzième édition ont bien sûr disparu et de nouveaux sujets ont fait leur apparition : la gestion des réseaux sociaux, des smartphones, l’étiquette du golf et du tennis, les règles de vie en communautés du type Airbnb ou colocation,…
Pour conclure
Il peut sembler que nous vivons à une époque moins sensible aux bonnes manières, où les règles d’étiquette ont moins d’importance. C’est sans doute ce que chaque génération se dit au sujet de la suivante…
Pourtant, ces normes ne disparaissent jamais : elles ne font que changer.
C’est toute la force de l’étiquette : sans cesse s’adapter aux évolutions de la société tout en parvenant à faire perdurer des notions de bienveillance, de politesse et d’attention aux autres.
Sans ces notions fondamentales, aucun contrat social n’est tout à fait viable.